Voici ce que nous demandons en urgence : la libération immédiate des prisonniers gravement malades, de ceux qui ont plus de 70 ans et de ceux qui remplissent tous les critères de la conditionnelle, ainsi que le passage au 3ème degré des prisonniers de l’État espagnol qui ont déjà bénéficié de permissions de sortie.

ETXERAT (25-03-2020). Nous vivons en ce moment une période très difficile et très compliquée, partout et pour tout le monde. Peur, incertitude, insécurité et, de façon évidente, beaucoup de souffrance, à quoi il faut ajouter les tensions et les difficultés liées à une mesure aussi contraignante pour les personnes que le confinement. Or, le plus grand confinement de tous, c’est la prison.

En ce moment, notre propre sécurité et celle des personnes auxquelles nous tenons sont notre priorité. Les mesures de prévention pour éviter la contagion, celles de protection quand il y en a et le suivi médical quand la maladie se déclare sont nos principales préoccupations. Gants, masques, gels hydro-alcooliques, vitres de protection, distances de sécurité et tout un protocole pour éviter d’être contaminé et de contaminer d’autres personnes. Dans ce contexte, voici la situation sur laquelle nous voulons attirer l’attention :

en prison, qui est le plus grand des confinements comme nous l’avons dit plus haut, la situation est très différente. Les personnes incarcérées n’ont pas accès aux mesures et aux protocoles de prévention que nous avons à notre disposition. Ils n’ont pas de gants, ni de gel, c’est à peine si, et au prix de nombreuses difficultés, ils pourront récupérer une bouteille d’eau de Javel. Il sera également très difficile de garder la distance de sécurité, aussi bien entre les prisonniers qu’entre prisonniers et surveillants, dans des espaces aussi réduits, fermés et soumis à des règlements comme l’obligation de rester ensemble à certaines occasions, les procédures de fouilles et l’envahissement de l’espace vital.

Si la situation générale, au regard du coronavirus, est préoccupante, elle l’est encore plus dans les prisons. Nous ne voulons pas tenir un discours alarmiste, mais faire connaître une situation que la majorité de la population ignore. La surpopulation, les espaces réduits et fermés, peu ou pas ventilés, ne peuvent que nous alerter encore plus. Les mesures d’hygiène sont très limitées, et celles de prévention et de protection, comme nous l’avons déjà dit, quasi nulles. Il s’agit d’une population affaiblie en général par les conditions d’enfermement et une alimentation et une hygiène déficientes, propices à la contagion.

Avant tout, nous voulons attirer l’attention sur le droit de toutes les personnes incarcérées à accéder aux mêmes mesures de prévention et de protection que le reste de la population. Il s’agit du droit à la santé et du droit à la vie, droits qui devraient primer sur tout le reste. Comme signalé par l’OMS, les personnes prisonnières ont le même droit à la santé que les autres et, dans leur cas, c’est l’État qui est le garant de leur intégrité et de leur vie. En ce qui concerne les mesures prises actuellement pour éviter de possibles contaminations, elles ne peuvent en aucune façon limiter ou annuler les droits des prisonniers déjà fortement limités.

Nous attirions récemment l’attention sur les prisonniers gravement malades et ceux âgés de plus de 70 ans qui sont toujours en prison. En raison de leur condition de santé et d’âge, ils appartiennent à des groupes considérés à haut risque dans la situation actuelle ; en raison de leur condition de prisonnier, ce risque est augmenté par les conditions dans lesquelles ils vont devoir faire face à la pandémie dans la prison. La nécessité d’aborder la situation de ces prisonniers avec l’urgence et la responsabilité adéquates est confirmée par le premier décès en prison à cause du Covid-19 dont nous venons d’avoir connaissance (prison d’Estremera – Madrid). Il s’agit d’une prisonnière de 78 ans, avec polypathologie. Les autorités pénitentiaires et judiciaires, dont la première responsabilité est de veiller sur l’intégrité des personnes incarcérées, doivent expliquer pourquoi une personne de plus de 70 ans, et de plus malade, était toujours en prison. Elles devront aussi expliquer pourquoi ce décès a été caché pendant quatre jours, et quels autres éléments elles sont en train de dissimuler.

Nous devons lancer un appel urgent à aborder la situation de ces personnes, avec la diligence et l’humanité que les circonstances actuelles exigent. Leur libération, qui aurait déjà dû avoir lieu, est prévue par la législation pénitentiaire. Nous ne pouvons comprendre leur maintien en prison que comme une volonté de mettre leur vie encore plus en danger. Pourquoi ? Sur quels critères les mesures humanitaires sont-elles appliquées ou non aux personnes incarcérées ?

La récente information selon laquelle l’État français va remettre en liberté près de 5.000 prisonniers, parmi lesquels ceux qui sont gravement malades est, sans aucun doute, une bonne nouvelle. Cette mesure améliorera, au moins un peu, la surpopulation existante et permettra une meilleure protection pour ces 5.000 personnes qui n’auraient pas pu y avoir accès autrement. Reste à savoir si l’État français va appliquer cette mesure avec l’humanité qu’elle requiert ou s’il va céder à de nouvelles pressions politiques, en en privant les prisonniers politiques basques gravement malades, pour aggraver encore le risque qu’ils encourent et augmenter la souffrance de leur entourage.

En ce qui concerne la situation dans les prisons, il est très difficile de tracer une carte générale car chacune est régie non seulement par son propre règlement mais aussi par sa propre interprétation des règlements généraux. De plus, les restrictions qui ont été imposées aux communications limitent l’information que nous pouvons recevoir de la part de nos parents et amis prisonniers.

Dans certaines prisons, nos proches nous ont fait savoir que des modules ont été vidés pour pouvoir être utilisés en cas d’isolement médical ou de quarantaine. La mesure est sans doute nécessaire, et même indispensable, mais nous nous demandons si tout cela ne signifie pas une augmentation de la population dans les autres modules, et donc une augmentation du risque. Quoiqu’il en soit, il est ESSENTIEL DE GARANTIR L’ASSISTANCE MÉDICALE dans les conditions exigées par le contrôle de la pandémie. Sachant parfaitement que l’assistance médicale dans les prisons est toujours déficitaire, nous nous demandons avec une inquiétude légitime si les équipes médicales ont été assurées et renforcées pour faire face à la pandémie à l’intérieur des prisons.

D’autre part, nous pouvons dire que les mesures qui ont été prises sont majoritairement restrictives et affectent principalement les communications. Nous comprenons que la suspension des communications répond à la nécessité de limiter les possibilités de propagation du virus, mais aucune mesure alternative n’a été mise en place pour éviter la déconnexion entre la personne incarcérée et sa famille, même si le nombre d’appels autorisés a été augmenté dans l’État espagnol, passant de 8 à 12. Ces appels, à durée limitée et qui supposent un coût financier important (et une augmentation de ce coût au pire moment pour beaucoup de familles), ne peuvent en aucun cas remplacer les communications habituelles, déjà fortement limitées en temps normal.

Nous ajoutons à cela que, parmi les mesures adoptées par Correos (la Poste de l’État espagnol) dans le cadre de l’état d’alarme, figure celle de ne plus distribuer la presse écrite, ce qui suppose un isolement encore plus grand pour nos parents et amis éloignés et dispersés. Et tout cela à un moment où les liens familiaux et la communication sont plus importants que jamais ; avoir des nouvelles des uns et des autres, savoir comment ils vont, se rassurer et tenter de maintenir une certaine tranquillité.

En résumé : nous considérons comme extrêmement préoccupante la situation actuelle dans les prisons, et comme alarmante celle qui peut se produire. Les autorités pénitentiaires espagnoles et françaises doivent augmenter les mesures pour garantir la prévention et la protection ; pour garantir l’intégrité et la santé des personnes incarcérées et, de la même façon, garantir leurs droits essentiels. C’est leur première responsabilité.
La situation exige des actes courageux qui, de toute façon, sont déjà prévus par la législation actuelle. Nous rappelons que de nombreux prisonniers devraient déjà avoir été libérés, et que seule une distorsion de la législation les maintient derrière les barreaux, de façon à ajouter des châtiments supplémentaires à leur condamnation.

Nous demandons :

- La libération immédiate des prisonniers gravement malades.

- La libération immédiate des prisonniers de plus de 70 ans.

- La libération immédiate des prisonniers en situation d’accéder à la libération conditionnelle, mesure systématiquement refusée dans l’État français aux prisonniers politiques basques bien qu’ils remplissent tous les critères exigés par la loi.

- La libération par l’application du 3ème degré aux prisonniers de l’État espagnol qui ont déjà bénéficié de permissions de sortie, puisqu’une fois ces permissions obtenues, l’attribution du 3ème degré n’est plus qu’une simple question de délais.

- Que les prisonniers puissent accéder aux éléments et mesures de prévention, protection et désinfection prévus dans le protocole de sécurité pour faire face à la pandémie.

- Que les équipes médicales dans les prisons soient renforcées pour garantir l’assistance médicale 24 heures sur 24, avec l’efficacité et la sécurité qu’exigent les caractéristiques de cette pandémie.

- L’installation de systèmes d’appels vidéo dans les prisons pour éviter les conséquences de la suspension des visites. Et que l’administration pénitentiaire assume le coût financier de tous les appels téléphoniques.