ETXERAT. En cette nouvelle rentrée politique, il nous semble indispensable d’informer la société basque sur notre situation, notre position et la lecture que nous faisons de ces derniers mois durant lesquels le rapprochement des prisonniers a donné lieu à un grand nombre de spéculations.

  1. Aujourd’hui et en ce qui concerne la position du gouvernement espagnol, il n’y a eu absolument aucune avancée en matière pénitentiaire en général, ni sur la fin de l’éloignement en particulier.

  1. Tandis que le Gouvernement français effectue peu à peu les pas auxquels il s’est engagé pour lever le poids qu’une mesure comme l’éloignement fait peser sur les familles des prisonniers, l’État espagnol maintient cette mesure dans les mêmes paramètres qu’il y a 30 ans, quand il l’a mise en place.

  1. Bilan de l’été : cinq parents et amis de prisonniers politiques basques affectés par deux accidents sur les routes des prisons et le caillassage à Algeciras de l’autobus des familles, tous suivis de l’habituel silence médiatique et politique. Les prisonniers n’ont pas été rapprochés, ils ont été transférés vers des prisons encore plus éloignées.

  1. Cela dit, nous devons rappeler et souligner le fait que quand nous parlons d’éloignement, nous ne parlons pas d’une mesure qui affecte en ce moment 270 prisonniers politiques basques, mais d’une mesure qui touche leur entourage affectif et familial : plus de 4.000 citoyen.ne.s obligés d’hypothéquer leur vie, leur intégrité physique, leur santé et leur situation économique pour une mesure pénitentiaire d’exception qui leur impose de réaliser des milliers de kilomètres pour quelques minutes de visite. Une mesure pénitentiaire d’exception utilisée comme instrument de pression sur leurs parents et amis incarcérés. Un châtiment imposé sans procès ni tribunal, qui a déjà causé 16 victimes mortelles et fait de tous les autres parents et amis des victimes potentielles.

  1. Le Gouvernement espagnol a vendu du rêve. Il a joué avec les attentes de la société basque, avec son espérance de laisser derrière elle un scénario de souffrance et il a joué plus particulièrement avec les nôtres, ajoutant incertitude et frustration à une situation déjà assez dure. Peut-être faudrait-il rappeler que le parti au gouvernement est justement celui qui avait activé la dispersion, même s’il n’a pas été et n’est pas le seul responsable.

  1. L’éloignement a été appliqué de façon universelle et systématique à tous les prisonniers politiques basques, indépendamment de leur situation pénale, pénitentiaire ou personnelle. Entre avril et mai 1989, et jusqu’à aujourd’hui, tous les prisonniers politiques basques ont été éloignés malgré le précepte légal, alors prévu dans la législation pénitentiaire, de l’accomplissement des peines dans des lieux proches du domicile des prisonniers. Avec la réforme du Règlement Pénitentiaire en 1996, ce précepte a disparu de façon à donner une couverture légale à une situation illégale.

  1. L’éloignement n’est pas légal malgré cette couverture donnée paradoxalement des années après sa mise en marche. L’éloignement peut être une stratégie du Gouvernement espagnol mais en aucun cas celle d’un État de droit.

  1. L’éloignement contrevient aux standards du droit européen. Citons, entre autres, les articles 17 et 24 des normes pénitentiaires européennes du Conseil de l’Europe et le principe 20 de la résolution 43/173 de l’Assemblée Générale des Nations-Unies. Nous souhaitons faire une mention spéciale du rapport Bergeron, adopté en octobre 2017 par le Parlement européen avec 474 votes favorables et 143 réunissant les votes contre et les abstentions. Dans son article 29, le rapport condamne expressément l’éloignement parce qu’il suppose un châtiment ajouté pour les familles des prisonniers. Parmi les votes qui ont permis son approbation à la majorité absolue, se trouvaient ceux des députés européens du PSOE.

  1. Aujourd’hui, on nous parle de traitement individualisé, de rapprochement graduel, de type de délit et, dans le meilleur des cas, de la nécessité de désactiver l’éloignement parce qu’il provoque des difficultés pour les familles. Il ne provoque pas des difficultés, ne minimisons si allègrement le coût de cette mesure : il provoque une situation insoutenable, une immense souffrance et des victimes mortelles. Nous entendons même qu’il faut le supprimer parce qu’il favorise l’opposition, la rage, la victimisation et la haine. L’éloignement génère des victimes, et même doublement, mais pas de victimisation.

  1. Si quelqu’un pense que nous devons faire preuve de patience et de prudence, nous devons lui répondre qu’après 30 ans de morts, de blessés, d’agressions et de souffrance, et toujours pas le moindre signe de la solution urgente dont nous avons besoin, nous n’avons ni l’un ni l’autre et personne ne peut nous demander cela. Nous ne savons pas avec qui et dans quel objectif le Gouvernement espagnol négocie ce rapprochement supposé, mais nous voulons lui rappeler qu’il est en train de négocier notre intégrité, notre santé et nos vies. Nous ne savons pas avec qui il parle, mais nous savons que ce n’est pas avec nous, nous ne savons pas avec qui il décide, mais nous savons qu’il nous maintient à l’écart sur un sujet qui concerne nos vies.

  1. Nous demandons au Gouvernement espagnol de faire preuve de courage, pas seulement pour prendre des engagements mais aussi pour les mettre en pratique. Nous demandons à la société basque, aux forces politiques et syndicales et aux institutions un nouvel effort et une nouvelle impulsion, parce qu’il est indispensable d’avancer encore dans ce travail pour surmonter la barrière de l’immobilisme vers la résolution.

  1. Dans cet objectif, nous appelons à participer à la manifestation organisée le mois prochain par le mouvement Orain Presoak ! Le 20 octobre, il faudra remplir les rues de Donostia pour donner une impulsion définitive à la désactivation des politiques pénitentiaires d’exception. Nous devons tous y être. Pour notre part, nous ne ferons pas de visite ce jour-là, pour ajouter l’ensemble de nos forces à cette manifestation, dans le but d’obtenir enfin la libération des prisonniers gravement malades et le rapprochement tous les autres.

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