Salhaketa, Sare et Etxerat ont présenté le manifeste "Dénonciation de la gestion du coronavirus dans les prisons espagnoles" dans une conférence de presse commune en ligne. 

Etxerat

ETXERAT (06-05-2020). Hier 5 mai, dans une conférence de presse conjointe, nous avons transmis l’information dont nous disposons sur l’épidémie sanitaire dans les prisons, et nous avons dénoncé la gestion du Covid-19 dans les prisons espagnoles, y compris celle qui relève de la compétence du Gouvernement basque en matière sanitaire et de sécurité. Nous avons également dénoncé la suspension des droits des personnes prisonnières.

Résumé des interventions :

Joseba Azkarraga (Sare)

(...) Dans le cas des prisonnier.e.s basques, beaucoup d’entre eux correspondent aux critères indiqués par les organisations internationales pour pouvoir être renvoyés chez eux et rester parmi leurs proches. Ce sont des prisonniers d’âge avancé, un certain nombre d’entre eux ont des maladies graves, et 161 sont en prison depuis plus de 15 ans.

Nous sollicitons à nouveau les Institutions Pénitentiaires espagnoles pour que, comme pour les trois prisonniers à qui le 3ème degré vient d’être concédé, ce régime soit accordé à tous ceux qui ont accompli plus des ¾ de leur peine ou qui en raison de leur grave maladie, peuvent par ce biais être renvoyés chez eux. Et nous leur demandons que cette progression de degré soit basée sur l’article 86.4, ce qui permettrait qu’ils ne soient pas obligés de rentrer en prison le soir.

Urtzi Errazkin (Etxerat)

Avec les mesures appliquées dans les prisons depuis que l’urgence sanitaire a été déclarée, les États espagnol et français ont réussi à faire en sorte que les prisonniers soient en même temps les personnes les plus isolées et celles qui sont le plus exposées au coronavirus.

Etxerat a élaboré un dossier avec l’information recueillie par l’intermédiaire des familles, que nous publierons cette semaine et duquel nous pouvons conclure qu’en ce qui concerne les personnes incarcérées, la priorité est de les maintenir en prison au mépris de leurs droits, des législations en vigueur et des recommandations de l’ONU, de l’OMS et du Conseil de l’Europe. Au mépris de leur droit à la santé et à la vie.

Incertitude, angoisse, souffrance ajoutée. Dans le cas des familles et ami.e.s de prisonnier.e.s politiques basques, lorsque l’état d’alarme a été déclaré en Espagne le 13 mars pour le lendemain, beaucoup d’entre eux se trouvaient déjà sur les routes des visites en raison des longs voyages qui leurs sont imposés. Certains ont dû rebrousser chemin après avoir déjà fait un long trajet, d’autres sont arrivés aux prisons et n’ont pas pu entrer. Une fois de plus, l’éloignement a coûté cher aux familles sur le plan physique, émotionnel et financier.

Durant ces presque deux mois, l’exceptionnalité a été maintenue contre nos parents et amis prisonniers et contre nous-mêmes ; aucun des plus de 11.000 prisonniers libérés dans l’État français n’a été un prisonnier basque, alors que 6 de ceux qui se trouvent dans les prisons françaises sont âgés et/ou gravement malades, ce qui les rend particulièrement vulnérables. En Espagne, pas une seule libération n’a eu lieu, seuls des appels vidéo ont été mis en place dans certaines prisons pour maintenir la communication avec la famille.

Le rétablissement progressif de la normalité dans les prisons ne doit pas laisser de côté, une fois de plus, les familles de prisonnier.e.s politiques basques, il ne doit pas être basé sur l’exceptionnalité. Il ne peut pas ignorer les familles de tous les prisonniers qui sont éloignés de leur entourage.

Lors de cette désescalade qui commence, il faut procéder dès que possible au rapprochement des prisonniers basques en Euskal Herria, sans les délais et retards habituels qui appartiennent au passé et qui correspondent au maintien de l’exceptionnalité. Parce qu’une fois passé ce cycle si difficile pour tout le monde, la société basque qui marche vers la normalisation doit le faire sans fardeau ni souffrance supplémentaires.

César Manzanos (Salhaketa Araba)

César Manzanos a développé les grandes lignes du Manifeste (traduction ci-dessous), et a détaillé les initiatives menées jusqu’à aujourd’hui par Salhaketa Araba auprès des institutions basques et espagnoles.

De plus, il a dénoncé l’attitude du Gouvernement Basque, qui détient la compétence en matière sanitaire et de sécurité dans les prisons de la Communauté Autonome Basque mais qui ne donne pas d’information et qui n’a pas mis en place les tests qui auraient permis de rendre visible ce qui se passe dans les prisons sur la question de la propagation de l’épidémie.

Salhaketa va continuer à mener son travail de coordination au Pays Basque sud pour tout ce qui concerne le soutien aux personnes prisonnières et à leurs familles dans cette situation d’urgence sanitaire. 

Traduction en français du Manifeste :

DÉNONCIATION DE LA GESTION DU CORONAVIRUS DANS LES PRISONS BASQUES ET ESPAGNOLES

Mai 2020

Depuis la fin du mois de mars, nous diffusons un message urgent d’alarme sanitaire en ce qui concerne la façon dont tant les personnes prisonnières que leurs familles sont abandonnées à leur propre sort par manque d’application de manière urgente et généralisée des mesures concrètes recommandées par des organismes internationaux comme l’OMS et le Conseil de l’Europe, ainsi que par divers acteurs sociaux.

Aujourd’hui, au début du mois de mai, il n’y a toujours aucun plan d’action et les mesures urgentes proposées n’ont pas été appliquées. En résumé, il s’agissait des mesures suivantes :

1. En ce qui concerne les mesures basiques de prévention et de contention de l’épidémie, l’accès aux tests n’a pas été permis à la population détenue ni à l’ensemble des fonctionnaires de prison, dans l’objectif de détecter les cas réels et de pouvoir isoler les personnes symptomatiques dans des dépendances sanitaires afin d’éviter la propagation du coronavirus.

2. En ce qui concerne l’attention sanitaire, aucun plan d’action en matière de prévention et d’assistance spécifique pour les prisons n’a été conçu ni appliqué. Il s’agissait de renforcer immédiatement les équipes de personnel sanitaire au sein des prisons, tenant compte du fait que de même que dans les maisons de retraite, les conditions d’enfermement et le risque de transmission peuvent produire à moyen terme une véritable hécatombe en prison. Il faut souligner que la population totale incarcérée dans les systèmes pénitentiaires espagnol et catalan dépasse aujourd’hui les 60.000 personnes, ce qui donne une idée de l’ampleur du problème et de ses conséquences.

3. En ce qui concerne les mesures pour éviter la surpopulation et garantir la distance sociale, indispensable pour éviter la propagation de l’infection, et face à la violation du précepte légal qui garantit le droit à l’intimité et à un traitement digne et qui établit qu’il faudrait une seule personne par cellule, les mesures proposées de libération de la population incarcérée en préventive, des peines courtes, du troisième degré, des prisonniers gravement malades et âgés de plus de 70 ans n’ont pas été appliquées. Il semble que les libérations auront lieu comme toujours quand les personnes gravement malades seront transférées à l’hôpital pour y mourir, dissimulant ainsi le fait qu’elles ne sont pas mortes à cause du virus mais à cause d’un abandon institutionnel.

4. En ce qui concerne la suspension des droits fondamentaux dans les prisons, comme le droit à la communication avec les familles, les moyens téléphoniques et télématiques indispensables pour éviter les conséquences d’angoisse et de désinformation que vivent les familles des personnes incarcérées n’ont pas été garantis dans toutes les prisons et à tous les prisonniers.

Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’il faut agir de façon urgente et énergique, dans l’objectif d’empêcher que la transmission du coronavirus dans les prisons, ajoutée aux autres causes non naturelles (des centaines de personnes prisonnières meurent chaque année dans les prisons ou dans les hôpitaux), ne vienne augmenter le taux de décès en raison d’un système pénitentiaire incapable de garantir le droit à la vie, à la santé et à un traitement digne pour les personnes prisonnières et leurs familles, droits qui n’ont été suspendus par aucun texte de loi ni par l’application de mesures de sécurité.

Nous croyons que les partis politiques présents au Parlement et les acteurs syndicaux et sociaux doivent demander au Gouvernement espagnol et au Gouvernement basque (compétent en matière sanitaire et de sécurité dans les prisons), ainsi qu’au Ministre de l’intérieur, au Directeur Général des prisons et aux autorités sanitaires et policières de l’État et de la Communauté Autonome de s’expliquer et de répondre aux questions suivantes :

➢ Pourquoi n’ont-ils pas appliqué de manière drastique et généralisée les mesures proposées par les organismes internationaux comme l’OMS et le Conseil de l’Europe, ainsi que par les entités sociales qui travaillent en soutien des personnes prisonnières et de leurs familles ?

➢ Pourquoi, paradoxalement, le nombre officiel des personnes prisonnières infectées est-il résiduel alors que les cas se comptent déjà par centaines parmi les fonctionnaires de prison ?

➢ Combien de personnes prisonnières sont-elles mortes dans les prisons et dans les hôpitaux de référence pour des pathologies associées au coronavirus ?

Nous considérons que les chiffres de l’épidémie dans les prisons sont minimisés et dissimulés, en même temps qu’est diffusée une propagande institutionnelle de fausse normalité avec des actions ponctuelles timides et limitées, pour éviter l’alarme sociale et cacher l’angoisse des personnes prisonnières et de leurs familles, encore augmentée par la désinformation. Les prisons sont majoritairement peuplées de personnes atteintes de pathologies physiques et mentales et, comme cela s’est produit dans les maisons de retraite, les conditions de vie précaires et endémiques, et en particulier pour l’assistance sanitaire, sont une bombe à retardement qui, à moins d’être désactivée rapidement, finira par exploser.

Salhaketa, Sare, Etxerat