Etxerat

ETXERAT. Mardi dernier 20 février, nous avons appris la mort de Lurdes Arronategi. Lurdes était de Busturia, elle avait 80 ans et 5 fils, dont deux prisonniers, Ibon et Eneko Goieaskoetxea, prisonniers politiques basques incarcérés respectivement à Arles, dans l’État français, à 750 km du Pays Basque, et à A Lama, dans l’État espagnol, à 730 km du Pays Basque. Le lendemain, nous apprenions la mort de Pili Garcia à Sopela. Pili était la mère du prisonnier politique basque Urko Labeaga, prisonnier politique basque incarcéré à Villabona, à 440 km.

Nous souhaitons tout d’abord adresser toutes nos condoléances aux deux familles, et envoyer notre plus chaleureux salut à Ibon, Eneko et Urko, qui sont en train de vivre la douleur d’avoir perdu leurs mères si loin de chez eux, sans voir pu l’embrasser une dernière fois, ainsi qu’à leurs proches et amis.

Les cas de Lurdes Arronategi et de Pili García ne sont pas isolés. Malheureusement, comme tant d’autres mères et pères de prisonniers politiques basques, Lurdes et Pili ont voyagé pendant des années de prison en prison pour pouvoir maintenir le lien familial. Dans le cas de Lurdes, avec la difficulté supplémentaire de devoir se rendre à des prisons différentes, pour pouvoir passer, chaque mois, quelques minutes avec ses fils.

Toutes deux étaient des femmes très fortes, mais il était arrivé un moment où, en raison de leur âge, de leurs douleurs, de l’usure de tant d’années d’efforts physiques et mentaux, elles ne pouvaient plus voyager aussi souvent qu’elles l’auraient voulu vers ces prisons si éloignées, ce qui a établi une violation définitive de leur droit fondamental à la vie familiale.

Nous voulons, d’autre part, remercier Lurdes d’avoir apporté son témoignage dans la vidéo que l’association Etxerat est en train de préparer dans le cadre de la dynamique de dénonciation des sommets de la dispersion, en l’occurrence le travail sur l’impact et les conséquences de l’éloignement sur les personnes âgées que nous présenterons au mois de mars. Dans son intervention, Lurdes parlait justement du fait qu’elle ne se sentait plus assez forte pour continuer à rendre visite à ses fils.

La grande majorité des mères et des pères de prisonniers ont plus de 70 ans, et d’autres membres de la famille se trouvent dans le même cas, comme des oncles et tantes ou des grands-parents. Presque tous portent le poids de longues années de voyages imposés, longs et incessants, entre 10 et 30 ans, pour pouvoir leur rendre visite et se trouvent confrontés à la possibilité de ne plus pouvoir voyager. Les limitations imposées par l’âge avancé, ajoutées à une situation qui a usé leur santé voyage après voyage, les rapprochent du moment tant redouté : celui où ils sont obligés de renoncer à rendre visite à leurs enfants, petits-enfants ou neveux.

Il n’y a pas de solution intermédiaire. Il n’y a pas d’autre option que de rapprocher les prisonniers politiques basques au Pays Basque, pour pouvoir garantir leur droit à maintenir le lien avec leurs parents et amis. Quand l’Audience Nationale espagnole a répondu en 2015 de façon négative et globale à la demande de transfert au Pays Basque présentée par les prisonniers politiques basques, elle s’est basée sur deux arguments : d’une part, le nombre de visites reçues par le prisonnier durant les deux dernières années, soit la liste des visites reçues dans cette période et à quelles dates elles ont été faites. Le lien de parenté des visiteurs n’est pas mentionné, dissimulant l’absence ou la rareté des visites des parents âgés.

Le second argument est que quand les proches ne peuvent pas se rendre aux visites, des permis spéciaux sont accordés aux prisonniers, ce qui est totalement faux. Ces permis spéciaux font référence aux autorisations de transfert ponctuel vers une prison d’Euskal Herria si le proche concerné peut se rendre à la prison. Sinon la visite a lieu au domicile ou à l’hôpital dans certains cas. Il faut pour cela des mois de bataille, démarches administratives, rapports médicaux et recours pour recevoir la réponse. L’autorisation ou non d’être transféré est totalement arbitraire.

En de très nombreuses occasions, et malgré des rapports médicaux attestant qu’un proche gravement malade est en fin de vie, ces demandes ont été refusées. En réalité, les personnes qui ne sont pas en état de voyager, voient la visite hebdomadaire de 40 minutes que la législation leur garantit en principe, être remplacée par une heure de visite toutes les quelques années (car il faut ensuite recommencer toutes les démarches à zéro), en présence de l’escorte policière et en rupture totale de l’intimité de la famille et du foyer. Et si, arbitrairement, l’administration décide de refuser ces permis, ces personnes mourront sans avoir pu revoir et embrasser leurs proches emprisonnés. Ce n’est pas la condamnation qui fait obstacle dans ce cas, c’est l’éloignement.

Nous exprimons ici à nouveau notre peine pour les décès de Lurdes Arronategi et Pili García. Nous voulons mentionner et montrer notre reconnaissance à tous ces parents et amis qui nous ont accompagnés dans le travail d’Etxerat durant tant d’années, et qui ne sont plus avec nous aujourd’hui. Tous ceux que cette cruelle politique d’exception a empêchés de voir réaliser leur souhait de revoir leurs proches emprisonnés en liberté. Et nous déclarons, comme hommage à Lurdes et Pili, que nous allons continuer à travailler pour obtenir, le plus vite possible, le retour de nos parents et amis prisonniers dans le chemin de la paix et de la résolution définitive du conflit.

Nous les voulons vivants et à la maison !

Etxerat