Etxerat

ETXERAT (13-06-2019). Texte de la conférence de presse donnée ce matin par Etxerat et les avocat.e.s des prisonnier.e.s politiques basques à Donostia.

Il y a près de deux ans, Etxerat annonçait sa décision de prendre directement en charge l’assistance juridique et sanitaire de nos parent.e.s et ami.e.s emprisonné.e.s, après qu’eux-mêmes aient annoncé leur volonté de parcourir les voies juridico-pénitentiaires. Ainsi, comme exposé dans les conclusions du débat du Collectif des Prisonnier.e.s Politiques Basques de juillet 2017, chaque prisonnier.e. allait décider d’entamer ou non différentes voies et recours comme les demandes de remise de peine, les demandes de transfert, les changements de grade, les permis de sortie ou les demandes de libération conditionnelle.

Avec l’aide des avocat.e.s, nos parent.e.s et ami.e.s prisonnier.e.s sont en train de mener des initiatives juridiques pour atténuer la dureté de leurs conditions de détention, et dans les cas où cela est possible, faciliter leur sortie et leur retour chez eux. Cependant, le maintien au premier degré, généralement accompagné d’un éloignement extrême, empêche de recourir aux voies prévues par la législation pénitentiaire, limite le droit à un traitement individualisé et annule la possibilité d’accès aux bénéfices pénitentiaires tels les allègements de peine ou libérations conditionnelles.

Nous rappelons qu’un tiers des prisonnier.e.s politiques basques incarcéré.e.s dans l’État espagnol (73 sur un total de 213) se trouve dans les prisons les plus éloignées, celles d’Andalousie. Si nous ajoutons d’autres établissements pénitentiaires éloignés, comme Murcia, Alicante ou Galiza, qui empêchent de parcourir les voies pénitentiaires, nous constatons qu’un prisonnier sur deux, la moitié d’entre eux, ne peut pas avoir accès à ce parcours.

Nous appelons l’administration pénitentiaire et le gouvernement espagnol qui est en cours de formation à n’opposer aucun obstacle au parcours juridico-pénitentiaire de nos proches emprisonné.e.s. Nous demandons qu’on leur permette de réaliser le parcours auquel ils ont droit, qu’ils puissent accéder aux changements de degré, aussi bien au niveau administratif que judiciaire, en donnant une réponse positive à leurs demandes, de façon à les laisser accéder ensuite au troisième degré.

Parce que si le maintien de la politique pénitentiaire d’exception, ou le fait qu’aucune solution n’ait été apportée à la situation des exilé.e.s et déportés sont inacceptables, les délais interminables, voire le blocage opposé aux demandes et recours que chaque prisonnier.e est en train de faire de manière individuelle le sont encore plus. Cette situation ne porte pas seulement atteinte à nos proches emprisonné.e.s qui ont choisi d’emprunter ces voies, elle représente également une peine ajoutée pour nous car elle retarde le moment de les retrouver. Parce que nous les aimons et que nous avons besoin d’eux et d’elles le plus vite possible.

Nous les voulons vivant.e.s et à la maison !

Intervention de l’avocat Iñaki Zugadi

Cette conférence de presse a pour objectif de faire un bilan des pas qui ont été faits dans l’État espagnol en ce qui concerne la voie juridique et l’ensemble des prisonnier.e.s politiques basques, de l’automne 2017 à aujourd’hui.

En premier lieu, depuis l’automne 2017, 53 prisonnier.e.s politiques basques ont été libéré.e.s dans l’État espagnol, l’immense majorité après avoir intégralement accompli leurs peines. Il reste donc aujourd’hui 213 prisonnier.e.s politiques basques dans l’État espagnol.

Au moment où nous parlons, 142 prisonnier.e.s ont entamé le nouveau parcours juridique. 66,66 % des prisonnier.e.s politiques de l’État espagnol, soit les 2/3, ont sollicité des mesures liées par exemple au travail ou à d’autres types d’activités, tout ceci en vue d’obtenir leur libération.

Tou.te.s ces prisonnier.e.s ont réalisé leur demande de façon individuelle, aussi bien auprès de la Direction Générale des Institutions Pénitentiaires espagnoles que du Tribunal Central de Vigilance Pénitentiaire ou de la Première Chambre Pénale de l’Audience Nationale de Madrid. Les prisonnier.e.s qui ont obtenu le 2ème degré ont commencé à demander des permis ordinaires de sortie. Dans certains autres cas, le 3ème degré a même été demandé, y compris sous forme de libération conditionnelle.

- Pourquoi un tiers de ces prisonnier.e.s n’ont-ils pas commencé ce parcours? Les raisons sont diverses. Mais nous devons surtout prendre en compte le fait que la moitié de ces prisonnier.e.s politiques basques (50 %) se trouvent dans des prisons extrêmement éloignées du Pays Basque (entre 600 et 1.000 km de leurs villages d’origine ou de leurs domiciles familiaux) et sous des régimes de détention très durs et très difficile à supporter. Les Commissions de Traitement et les Directions des prisons maintiennent des attitudes offensives contre le/la prisonnier.e, minimisant les pas qu’il-elle peut faire, opposant toutes sortes d’obstacles à son avancée dans ce parcours. Tout cela entrave en plus la relation du prisonnier.e avec son avocat.e, ainsi que le travail de ce.tte dernier.e.

En définitive, l’exceptionnalité, aussi bien la législation exceptionnelle que les différentes mesures également exceptionnelles, appliquée à ces prisonnier.e.s est toujours en vigueur.

Mais même dans ces conditions difficiles et avec tous ces obstacles, nous constatons que dans un délai d’un an et demi, les 2/3 des prisonnier.e.s politiques basques sont entré.e.s dans cette dynamique juridique, ce qui est une preuve du sérieux de l’engagement annoncé par l’ensemble des prisonnier.e.s.

Nous ne pouvons cependant pas nous réjouir des résultats obtenus. Malgré les déclarations faites il y a un an par le PSOE à son arrivée au Gouvernement sur une nouvelle politique pénitentiaire, la politique pénitentiaire d’exception appliquée aux prisonnier.e.s politiques basques et les mesures d’éloignement sont toujours en vigueur. Des pas ont certes été faits, mais ils sont petits et rares. Ce Gouvernement n’a résolu aucune de ces deux questions.

Le SGIP (Secrétariat Général des Institutions Pénitentiaires espagnoles) a accordé le 2ème degré et a rapproché 25 prisonnier.e.s.

Il a accordé le changement de degré, mais sans rapprochement, à 8 prisonnier.e.s.

Il a rapproché, mais sans changement de degré, 2 prisonnier.e.s.

Il a accordé à un prisonnier gravement malade le régime de détention atténuée à domicile.

Certains cas sont paradoxaux, comme celui de deux prisonniers à qui le changement de degré a été accordé et qui ont été rapprochés, mais qui ont du même coup été séparés de leurs compagnes qui se trouvent toujours dans les prisons d’origine.

Ou les cas où l’Administration Pénitentiaire présente comme un rapprochement le transfert de la prison de Puerto I à celle de Puerto II qui sont côte à côte.

D’autre part, trois des prisonniers rapprochés (Mikel Orbegozo, Xabier Sagardoi et Iñaki Beaumont) avaient pratiquement accompli l’intégralité de leurs peines et étaient à quelques semaines de leur libération.

Aujourd’hui, seul.e.s 43 prisonnier.e.s sont classifié.e.s au régime du 2ème degré pénitentiaire ou régime ordinaire. Certains d’entre eux-elles le sont sur l’initiative de la SGIP, d’autres après avoir gagné des recours présentés au TCVP (Tribunal Central de Vigilance Pénitentiaire). Certain.e.s ont été rapproché.e.s, mais les autres se trouvent toujours dans les prisons de Puerto, Almería, Granada, Jaén, Valencia ou Galicia. ET PARMI CEUX ET CELLES QUI ONT ÉTÉ RAPPROCHÉ.E.S, AUCUN.E N’A ÉTÉ TRANSFÉRÉ.E DANS UNE PRISON DU PAYS BASQUE. 

En conséquence, 170 prisonniers politiques basques sont toujours classifiés au 1er degré, un régime d’exception, fermé. Un régime carcéral utilisé pour les prisonniers qui présentent une dangerosité extrême ou une inaptitude au mode de vie de la prison.

Parmi ceux-celles qui sont au 1er degré, de nombreux-ses prisonnier.e.s se trouvent dans les modules de régime fermé des prisons de Sevilla, Córdoba, Huelva, Puerto I, Extremera et Curtis. Des endroits où les conditions de détention que subissent les prisonnier.e.s politiques basques sont extrêmement dures et difficiles à supporter.

Parmi ceux qui se trouvent au deuxième degré, la majorité a sollicité des permis ordinaires de sortie, mais un seul prisonnier, Gorka Fraile Iturralde, s’est vu accorder un permis ordinaire de trois jours par le TCVP avec avis favorable de la Commission de Traitement de la prison d’El Dueso. Auparavant, d’autres prisonniers avait profité de tels permis alors qu’ils se trouvaient en fin de peine : Xabier Sagardoi, Ekaitz Ezkerra, Alfredo Ramirez et Julen Ibarrola.

Tous les autres permis demandé par des prisonnier.e.s du 2ème degré ont été refusés par le Secrétariat Général des Institutions Pénitentiaires puis après recours par le TCVP et la 1ère Chambre Pénale, même si pour 8 d’entre eux, il y a eu un vote favorable d’un juge de la Première Section de la Chambre Pénale de l’Audience Nationale.

Et ceci malgré le fait qu’ils-elles réunissent toutes les conditions requises (avoir accompli ¼ de sa peine et être au 2ème degré). Ces demandes sont systématiquement refusées sur la base d’arguments non pas juridiques mais idéologiques et politiques.

Le bilan est donc mitigé. Tandis que les prisonnier.e.s politiques basques ont adopté une position, une posture, une décision, une attitude et une initiative dignes d’éloges et courageuses, nous ne pouvons pas en dire de même de ceux qui dirigent la politique pénitentiaire espagnole. Ni courage, ni décision et ce qui est encore plus triste, PAS D’APPLICATION DE LA LOI ET DE LA LÉGISLATION PÉNITENTIAIRE AUX PRISONNIER.E.S POLITIQUES BASQUES.

Et en plus, MAINTIEN DES MESURES D’EXCEPTION CONTRE CES PERSONNES. La loi ordinaire dit que si un prisonnier est classifié au deuxième degré, il pourra accéder à des permis ordinaires de sortie puis au troisième degré et à la libération conditionnelle.
Par l’application de la loi ordinaire, c’est-à-dire de la loi organique générale pénitentiaire et du règlement pénitentiaire, aucun prisonnier politique basque ne serait classé au premier degré.

Pour toutes ces raisons, nous réclamons et exigeons :

DES COMMISSIONS DE TRAITEMENT DE CHAQUE PRISON, DU SECRÉTARIAT GENÉRAL DES I.P. ET EN DÉFINITIVE, DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL :

Qu’ils cessent d’appliquer la politique pénitentiaire du passé et d’exception.

Qu’ils laissent les prisonnier.e.s réaliser leur parcours juridique et, par conséquent, qu’ils cessent d’appliquer et d’imposer des mesures collectives d’exception pénitentiaire qui limitent les droits fondamentaux.

Qu’il respecte leur propre législation pénitentiaire ordinaire et actuellement en vigueur pour que les prisonnier.e.s basques puissent avancer dans ce parcours juridico-pénitentiaire, et qu’on ne leur impose pas plus de conditions autres que celles que la loi exige.

Et nous réclamons et exigeons :

DU TRIBUNAL DE VIGILANCE PÉNITENTIAIRE :

Qu’il abandonne et laisse la politique pénitentiaire hors de la politique antiterroriste du passé, et qu’il agisse avec courage à garantir les droits des prisonnier.e.s et à veiller au respect de leur exercice.

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