ETXERAT (12-06-2020). Le 22 avril 2020, a été rendu public le Manifeste Volonté politique au service de la santé et de la vie des personnes prisonnières, signé conjointement par quatre organisations : Salhaketa Nafarroa, Etxerat, Altsasuko Gurasoak et Sare Herritarra sous le titre #SOSPresoakCovid19. Depuis, diverses actions ont été menées pour faire connaître la situation des personnes prisonnières en cette période dite de coronavirus. Le Manifeste souligne que dans le cadre de cette urgence sanitaire, il est nécessaire de donner la priorité aux droits humains et aux droits des personnes prisonnières, comme le font depuis le début de la pandémie l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et le Comité pour la Prévention de la Torture du Conseil de l’Europe (CPT).

Nous, les signataires de ce texte, sommes unis par le respect de la vie et de la santé de toutes les personnes, qu’elles soient ou non prisonnières, et nous voulons manifester publiquement notre adhésion au Manifeste #SOSPresoakCovid19.

Depuis le début de la pandémie de la Covid-19, l’inégalité sociale face à la maladie et à ses conséquences a été mise en évidence. Il ne fait aucun doute que l’un des collectifs les plus vulnérables est celui des personnes prisonnières. D’une part parce que les établissements pénitentiaires, avec leur condition de centre de confinement et dans de nombreux cas leur situation de surpopulation, sont des lieux de transmission significatifs de la Covid-19. D’autre part, parce que dans une période dont le slogan est « Restez chez vous », quand le chez-soi en question est la prison, l’enfermement est double et vient heurter les droits fondamentaux des personnes prisonnières. En définitive, le critère du confinement massif est d’une exigence si extrême qu’il est non seulement incompatible avec un accomplissement digne de la peine privative de liberté, mais qu’il peut être aussi un attentat à la santé des personnes prisonnières elles-mêmes.

Les prisons sont en soi des lieux particulièrement sensibles à la contamination mais aussi des lieux où il faut être scrupuleux sur la limitation des droits. Cependant, les mesures adoptées pour le moment par le Secrétariat Général des Institutions Pénitentiaires se sont quasiment limitées à l’isolement dans les cellules des personnes prisonnières durant pratiquement toute la journée, à la suspension des sorties et à l’annulation des visites des familles et de toutes les activités. Ces mesures sont non seulement insuffisantes pour protéger la santé des personnes prisonnières mais elles violent également leurs droits fondamentaux.

La prise de mesures par le Secrétariat Général des Institutions Pénitentiaires est toujours nécessaire car la maladie semble s’être installée pour un moment, mais ces mesures doivent être respectueuses des droits déjà fortement limités des personnes prisonnières et plus largement des droits humains. Il est urgent de commencer à prendre des mesures réelles et efficaces face à la pandémie dans le but de réduire la population pénitentiaire, de chercher des alternatives aux peines privatives de liberté et de libérer directement les personnes qui ont des petites condamnations ou des profils qui les rendent particulièrement vulnérables au virus (personnes de plus de 65 ans, personnes malades, femmes enceintes ou qui sont incarcérées avec leur enfant), comme le sollicite le manifeste de #SOSPresoakCovid19 et comme le recommandent les plus hautes autorités sanitaires et de droits humains de l’Europe. De plus, dans le cas concret de la Navarre, nous soulignons également qu’il est nécessaire que toutes les personnes accomplissent leur peine dans leur lieu d’origine, comme établi dans la Loi Organique Générale Pénitentiaire, le transfert de ces prisonniers en Navarre étant particulièrement urgent.

Pour finir et pour l’avenir, nous appelons à ce que cette nouvelle situation de pandémie et de confinement massif de population permette de penser de nouvelles approches de la pénalité et de la politique pénitentiaire qui donnent la priorité à la santé, la vie et la dignité sur tout autre circonstance.

Signataires de cet article:

Paz Francés Lecumberri. Professeure de Droit pénal à l’Université Publique de Navarre.

Mikel Armendariaz Barrenechea. Avocat et ex-coordinateur du Service d’Orientation Juridico-Pénitentiaire du Collège des Avocats de Pampelune à la prison de Pampelune.

Jone Galarza Larraioz. Travailleuse de Justice.

Fernando Armendariz Arbizu. Activiste pour les Droits Humains.

Izaskun Garzaron Zudaire. Travailleuse au Gouvernement de Navarre.

Enrique Villareal “El Drogas”. Musicien.

Patricia Amigot Leache. Professeure de Travail Social de l’Université Publique de Navarre.

Mikel Urra Nuin. Médecin au Complexe Hospitalier de Navarre.

Oinatz Bengoetxea Berasategi. Pelotari professionnel.

Hedoi Etxarte Moreno. Écrivain.