Etxerat

ETXERAT. Voici le texte de la conférence de presse que le Forum Social a donnée le 29 mai Bilbao au côté d’Etxerat et de Sare. Depuis le jour de l’annonce de la disparition d’ETA le 3 avril à Genève, de nombreux acteurs ont placé la question des personnes prisonnières au centre de l’agenda politique. Le Forum Social Permanent entend que, dans ce nouveau scénario, cinq aspects à traiter de façon urgente doivent figurer dans tout agenda de résolution.

Depuis le jour de l’annonce de la disparition d’ETA le 3 avril à Genève, de nombreux acteurs ont placé la question des personnes prisonnières au centre de l’agenda politique.

Le Forum Social a mené un processus de réflexion interne, et, sur la base de ces éléments, est en train de réaliser avec Sare et Etxerat une ronde de réunions formelles et de rencontres dans l’objectif de partager ces réflexions avec le plus grand nombre d’acteurs institutionnels, politiques, syndicaux et personnalités de la société civile.

En préalable, nous souhaitons affirmer que nous entendons que la résolution de la thématique des personnes prisonnières sera intrinsèquement liée à une dynamique de réparation aux victimes, qui pourra se concrétiser de différentes façons qu’il faudra définir dans un esprit de respect et de recherche d’accord.

Nous entendons que le nouveau cycle ouvert avec la disparition d’ETA crée une situation dans laquelle la politique pénitentiaire doit être adaptée. Nous constatons que cette réflexion est partagée par la majorité politique, syndicale et sociale de ce pays. Un certain nombre de délégués locaux du gouvernement espagnol se sont même exprimés dans ce sens à de nombreuses reprises.

Nous entendons qu’il est temps d’articuler les majorités institutionnelles, politiques, syndicales et sociales, tant dans la Communauté Autonome Basque qu’en Navarre et en Iparralde. Trois routes, mais une seule destination : une société en paix sans personnes prisonnières ou en exil.

Comme dans le cas du désarmement, nous entendons qu’il est nécessaire de construire un schéma de résolution basé sur la triangulation d’accords entre les Gouvernements Basque et Navarrais, le Collectif des Prisonniers Politiques Basques et la société civile. Dans ce sens, nous réitérons la nécessité d’obtenir l’accord des personnes prisonnières pour toute décision les concernant.

Un schéma de résolution basé sur une demande qui génère un large consensus : l’application pure et simple de la législation pénitentiaire actuelle. Nous ne défendons aucune stratégie de « contreparties » ou de « privilèges ».

Le Forum Social Permanent entend que, dans ce nouveau scénario, cinq points sont à traiter de façon urgente dans tout agenda de résolution :

1. Personnes prisonnières atteintes de maladies graves. Les politiques qui leur sont appliquées doivent être motivées par le principe d’humanisation des peines, évitant toujours que l’accomplissement de la peine ait une incidence négative sur la maladie dont elles sont atteintes et adaptant cet accomplissement à leur situation médicale.

2. Rapprochement. Il est indispensable de désactiver l’application de la politique en vigueur d’accomplissement des peines dans des centres pénitentiaires éloignés du lieu de résidence ou du domicile et de mettre en place le rapprochement effectif des prisonniers dans des centres pénitentiaires proches de leur milieu familial.

3. Politique de degrés - conditions de détention. Il faut désactiver la situation de maintien au premier degré (État espagnol) dans laquelle se trouvent aujourd’hui 92 % des prisonnières et prisonniers basques, et transiter vers une nouvelle politique selon laquelle le changement de degré répondra véritablement aux caractéristiques de chaque prisonnier et à sa situation pénitentiaire, comme établi dans la législation pénitentiaire, et non aux délits pour lesquels il ou elle a été condamné.e ou autre circonstances étrangères à son devenir prison, comme c’est le cas actuellement.

4. Cumul des peines. Il est également indispensable que le critère à appliquer dans le cas de cumul de condamnations déjà accomplies dans d’autres États de l’Union Européenne soit celui qui a été établi par la norme et les résolutions européennes en matière pénitentiaire, et non celui des délits pour lesquels la personne a été condamnée ou autres circonstances étrangères à son devenir en prison, comme c’est le cas actuellement.

5. Le transfert des compétences en matière pénitentiaire à la Communauté Autonome Basque et à la Communauté Forale de Navarre est également absolument nécessaire, de même que le transfert de compétences en matière de vigilance pénitentiaire aux tribunaux de ces Communautés.

Tous les acteurs institutionnels, politiques, syndicaux ou sociaux doivent impulser aujourd’hui même la résolution de cet agenda urgent.

Nous parlons d’agenda urgent parce que nous sommes conscients que, bientôt, nous devrons affronter la question des personnes jugées sous la loi 7/2003 ou de celles dont la sentence est basée sur des déclarations réalisées sous la torture. Nous sommes réalistes et nous entendons également qu’il faut établir un agenda évolutif.

Il est évident que personne dans ce pays ne détient la clé des prisons. Mais nous entendons que, pour arriver à ce scénario, trois facteurs préalables sont indispensables : le large accord cité ici, la participation des personnes prisonnières elles-mêmes et, enfin, la création dans l’État espagnol d’un courant d’opinion favorable à un assouplissement de la politique pénitentiaire.

Nous sommes réalistes. Nous n’espérons pas de gestes spectaculaires. Nous sommes conscients que les changements, s’il y en a, se produiront graduellement. Ce nouveau cycle requiert des dynamiques inclusives. La cohabitation dans ce pays va se construire en créant des espaces dans lesquels tous les secteurs puissent se sentir intégrés. C’est la seule façon de pouvoir réaliser la nécessaire réconciliation sociale.

Dans ce sens, et en ce qui concerne les victimes, le Forum Social Permanent entend que dans le processus basque de résolution, les victimes ont et auront une importance cruciale. Ça n’a pas été le cas durant de longues années. La société a une grosse dette envers les victimes. Bien qu’elles subissent en silence l’oubli et la non-reconnaissance, la majorité des victimes de ce pays ne sont pas dans un schéma de vengeance ou de revanche, mais de cohabitation et de réconciliation.

Toujours dans le respect absolu d’autres manières de cohabiter avec la souffrance que peuvent avoir d’autres victimes. Sur cette question, les victimes doivent être informées et entendues. Toutes les victimes. Celles qui sont organisées et la majorité des victimes de ce pays qui ne sont organisées dans aucune association.

Nous entendons qu’il est nécessaire d’articuler des mécanismes de comparaison des nouvelles politiques en matière pénitentiaire. Confronter les points de vue, écouter, mais ne jamais conditionner les politiques publiques.

Nous défendons un large accord politique, syndical et social qui articule une solution équilibrée et raisonnable, répondant aux droits des victimes et à la soif majoritaire de la société d’avancer, dans un délai raisonnable, vers un scénario sans personnes prisonnières.

Etxerat, pour sa part, a apporté cette contribution à la conférence de presse:

Le week-end dernier, comme nous l’avons fait ces 30 dernières années, nous, familles et amis de prisonniers basques, avons repris la route pour parcourir les centaines ou milliers de kilomètres qui nous sont imposés, nous avons passé de longues heures dans ces déplacements et nous avons à nouveau pris des risques. Nous voulons rappeler que les familles et amis de prisonniers basques ne peuvent toujours pas laisser cette souffrance derrière eux pour parler, une fois pour toutes, au présent et futur. Nous sommes toujours des victimes potentielles.

Si nous sommes pressés, c’est parce qu’il est inacceptable de maintenir plus longtemps une politique pénitentiaire d’exception conçue pour une situation qui appartient au passé. Nous ne proposons pas de contreparties ni de bénéfices. Parler de contrepartie, c’est confondre bénéfices et droits, et les droits ne sont pas sujets à contrepartie. Ils sont respectés ou ils sont violés et le gouvernement espagnol continue de les violer.

Nous partageons avec le Forum Social le caractère évolutif de l’agenda urgent dans lequel figure la question pénitentiaire, mais nous réitérons également l’urgence maximale avec laquelle doivent être abordées la fin de l’éloignement et la libération des prisonniers malades. C’est pourquoi nous appelons la société basque à poursuivre dans la voie d’obtention de larges accords qui nous permettent de faire de nouveaux pas dans la voie de la résolution.