ETXERAT. Voici le texte de la conférence de presse donnée hier 24 juillet à Bilbao par le Forum Social, au côté d’Etxerat et de Sare. Le 29 mai dernier, dans une autre conférence de presse en ce même lieu, nous annoncions que nous venions d’entamer une ronde de réunions avec différents acteurs politiques et sociaux et institutions dans deux objectifs :

⦁ Présenter les conclusions du IVème Forum Social sur la question de la « Réintégration des personnes prisonnières et en fuite ».
⦁ Partager avec les différents acteurs les cinq points de « l’Agenda urgent de résolution ».

Depuis, le Forum Social s’est réuni avec le Gouvernement Basque, la Présidente du Parlement de Navarre Ainhoa Aznarez, la présidente de la Commission des Droits Humains du Parlement Basque Ana Oregi, les Ararteko des deux Communautés (Défenseurs des Peuples auprès des Gouvernements basque et navarrais) et, dernière réunion pour le moment, avec le collectif des personnes prisonnières CPPB à la prison d’Albolote (Granada). De plus, de nombreuses autres rencontres ont eu lieu avec des entités de la société civile ainsi qu’avec 72 personnalités avec lesquelles le Forum Social a partagé son diagnostic.

Nous disons « pour le moment » parce que nous attendons que soient fixées des réunions avec le gouvernement de Navarre, et les délégués du gouvernement espagnol en Navarre, M. Arasti, et dans la Communauté Autonome Basque, M. Loza.

Nous estimons qu’avec les éléments réunis, nous pouvons présenter un « bilan d’étape », dans l’attente de terminer cette ronde de rencontres. Nous rappelons que nous avions pris cette initiative après la dissolution d’ETA et sous un gouvernement présidé par Mariano Rajoy.

Depuis le 9 avril 2017, lendemain du désarmement, nous sommes de nombreux acteurs à avoir commencé à travailler à créer des espaces de dialogue entre les gouvernements, entre les partis politiques, entre les syndicats et dans la société civile, qui puissent créer à leur tour une série d’accords minimums. Il s’agissait de bâtir les confiances nécessaires entre acteurs très différents pour définir ce que nous appelons dans nos conclusions une « feuille de route pour la réintégration des personnes prisonnières et en fuite ». Le Forum Social et un grand nombre de ces acteurs travaillent dans un objectif : après la dissolution d’ETA, on pourrait avancer sur cette question. Nous affirmons en toute connaissance de cause que le Parti Populaire de Madrid lui-même travaillait sur ce scénario.

Ce lourd travail a porté ses fruits, avec des accords institutionnels aux Parlements basque et navarrais, dans les Juntas Generales, et plus récemment, dans les mairies, sur des thèmes comme le transfert de compétences en matière de prison, les prisonniers malades et le rapprochement. Ça n’a pas été un chemin facile. Il y a eu des arrêts et des accélérations, mais la persévérance a permis de consolider peu à peu un nouveau scénario.

La première conclusion que nous tirons de cette ronde de réunions est qu’il existe aujourd’hui un large et solide consensus dans notre pays autour de ce que nous avons défini comme « agenda urgent de résolution » et qui comprend cinq points :

⦁ Personnes prisonnières malades et de plus de 70 ans
⦁ Rapprochement dans des prisons basques
⦁ Évolution du premier au second degré
⦁ Non cumul de peines déjà effectuées en France
⦁ Transfert de compétences en matière pénitentiaire

La deuxième conclusion se référait à une constatation : s’il y a eu pendant de longues années un nœud bien serré autour de cette question, ce nœud est en train de se défaire. Il existe une fenêtre d’opportunité.

La troisième : tous les acteurs s’accordent à dire que nous nous trouvons à un moment de définition du « terrain de jeu » et, bien qu’il reste encore beaucoup de choses à définir, dont une de très grande importance, le programme de réintégration et ses contenus, le gouvernement espagnol lui-même dessine peu à peu sa feuille de route.

Nous souhaitons nous pencher un peu sur la réunion que nous avons faite samedi dernier à la prison d’Albolote à Granada. Il s’agit de la troisième réunion depuis la première qui avait eu lieu le 6 janvier dernier et que nous avions rendue publique. La participation à cette troisième réunion d’une deuxième personne au nom du CPPB, Mme Ainhoa Mujika Goñi, élève notablement le niveau de l’interlocution. M. Olarra Guridi a demandé une salle pour pouvoir réaliser cette réunion de façon correcte, ce qui a été refusé par la direction de la prison. Malgré les mauvaises conditions ambiantes (40 minutes seulement, avec une séparation vitrée, énormément de bruit...), nous faisons un bilan positif du travail que nous sommes en train de réaliser avec le CPPB. Nous tirons quatre conclusions de cette réunion :

• Le nouveau scénario suscite de l’espoir parmi les personnes prisonnières, même si elles gardent une prudence logique dans l’attente de la concrétisation des pas annoncés.
• Légalité pénitentiaire : les porte-parole ont réitéré leur totale disponibilité à suivre la voie de la légalité pénitentiaire dans une perspective finale de libération.
• Reconnaissance du tort causé : leur absolue et sincère disposition à apporter leur contribution sur cet aspect.
• Leur totale disponibilité à contribuer de manière constructive et réaliste à la préfiguration de la feuille de route par le biais de leur dialogue avec le Forum Social.

Avec tous ces éléments, le Forum Social Permanent entend que la feuille de route doit chercher à répondre de manière intégrale à cette problématique et qu’elle doit être construite sur quatre critères clés :

PREMIÈREMENT : maintenir le consensus institutionnel, politique et syndical dans cette phase, ce pourquoi le dialogue doit être l’instrument.
DEUXIÈMEMENT : entendre l’opinion des personnes prisonnières. C’est absolument nécessaire. De la même façon que les prisonniers ne peuvent rien élaborer seuls depuis leur cellule et loin de la réalité, rien ne peut être dessiné « dehors » sans compter avec ceux et celles qui doivent faire ce parcours.
TROISIÈMEMENT : que le programme de réintégration qui est déjà en train d’être travaillé se situe exclusivement en paramètres de résolution. L’objectif est qu’il soit suivi par l’ensemble des prisonniers.
QUATRIÈMEMENT : s’éloigner du schéma « vainqueurs-vaincus ». Éviter la recherche de publicité intéressée et les calculs électoraux.
Le Forum Social Permanent défend la méthode fructueuse appliquée pour le désarmement et, en partie, pour la dissolution d’ETA : la triangulation. Nous entendons que la création d’un large accord, inclusif et transversal entre les Gouvernements, les prisonniers eux-mêmes et la société civile sera la clé du succès sur ce sujet.

Mais, comme nous disions que nous devons écouter les personnes prisonnières, nous croyons également qu’il est fondamental que les changements dans la politique pénitentiaire se fassent en écoutant les victimes.

La méthode appliquée par Macron en janvier à Paris nous semble appropriée. Le Gouvernement espagnol a déjà fait les premiers pas dans ce même sens. Il est important d’expliquer ces changements aux victimes, d’entendre leurs opinions, de leur dire qu’il ne s’agit pas de privilèges mais de la stricte application de la législation en matière pénitentiaire et que les bénéfices prévus sont ceux qui sont appliqués à n’importe quel prisonnier. Les victimes, toutes les victimes, doivent être entendues. Celles qui sont organisées et la majorité qui ne l’est pas. Mais les politiques publiques doivent être basées sur l’intérêt général, ce qui dans ce cas signifie avancer vers la résolution intégrale.

Etxerat, pour sa part, a apporté la contribution suivante à cette conférence de presse :

Le 29 mai dernier, en ce même lieu et dans les mêmes circonstances, également au côté du Forum Social et de Sare, nous rappelions que les familles et amis de prisonniers politiques basques ne peuvent toujours pas parler de la souffrance au passé, car la situation qui en est la source perdure encore aujourd’hui.

Nous voulons saluer le bilan réalisé par le Forum Social, en conséquence du travail mené dans l’objectif de consolider un nouveau scénario et nous partageons la constatation du large consensus qui existe dans notre pays autour de l’agenda urgent de la résolution. Mais nous devons rappeler que malheureusement, nous sommes toujours des victimes potentielles, que nous continuons de mettre notre vie et notre santé en jeu chaque fin de semaine pour pouvoir maintenir notre droit aux visites.

Nous réclamons donc une urgence maximale pour la fin de l’éloignement et la remise en liberté des prisonniers gravement malades. Les droits ne sont pas sujets à contreparties. Les droits sont respectés ou violés, et le gouvernement espagnol continue de les violer aujourd’hui.

Etxerat