ETXERAT (22-04-2020). Le Covid-19 a provoqué une grande crise sanitaire et la nécessité de protéger la santé des personnes a mené tous les pays à adopter des décisions qui ont changé notre vie. Dans le domaine pénitentiaire, dans lequel les changements et surtout les avancées arrivent toujours en dernier lieu, des décisions importantes sont prises dans des pays du monde entier. Les informations nous apprennent que des milliers de personnes ont été libérées. Dans de nombreux États, ces mesures ont même conduit à la libération de dizaines de milliers de personnes.

Malheureusement, ce n’est pas le cas du Gouvernement de l’État espagnol. Ici, la seule mesure qui a été prise dans le domaine pénitentiaire a été l’isolement des prisons, ce qui en pratique s’est traduit par la restriction des communications des personnes prisonnières avec leur entourage familial et affectif et l’élimination de tous types d’activités à l’intérieur, y compris les activités de traitement. Ce sont des mesures qui peuvent retarder l’arrivée du virus dans la prison, mais qui ne servent pas à éviter les conséquences dévastatrices de l’infection une fois que le virus est entré, et moins encore si nous tenons compte de la situation déficitaire de suivi sanitaire dans les prisons. Ceci est en train d’être observé dans des lieux comme les États-Unis, où la prison de Chicago par exemple enregistre un taux de contamination 30 fois supérieur à celui de l’extérieur. C’est ce à quoi nous devons nous attendre en ce qui concerne la réalité dans les prisons : massification, mauvaises conditions d’hygiène, prolifération d’autres maladies, etc.

Plus de 70 organisations sociales de tout l’État espagnol réclament, entre autres mesures, la libération des personnes prisonnières comme meilleure et seule mesure pour prévenir la contamination par le Covid-19 dans les prisons et pour garantir leur droit à la santé et à la vie. Dans ce sens, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et le Comité pour la Prévention de la Torture du Conseil de l’Europe (CPT) ont réclamé aux États l’adoption de mesures de politique pénitentiaire donnant la priorité à la nécessité de réduire sensiblement la population carcérale, cherchant des alternatives aux peines privatives de liberté et procédant à la libération des personnes prisonnières au profil à haut risque, ainsi que de ceux qui sont spécialement vulnérables au Covid-19, comme les prisonniers atteints de maladies graves, ceux d’âge avancé, les femmes enceintes et celles ayant des enfants avec elles, etc. De la même façon, le Commissariat aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe et le Haut-Commissariat des Nations-Unies ont demandé aux Gouvernements de remettre de toute urgence en liberté ces personnes prisonnières face à la grave situation créée par la pandémie du coronavirus. De plus, ils n’établissent pas d’exception dans l’application de ces mesures.

Malgré la publication il y a déjà plusieurs semaines de ses recommandations par l’OMS, le Gouvernement de l’État espagnol n’a toujours pas fait un seul pas pour leur mise en pratique. Nous considérons que ce n’est pas la bonne attitude et que cela peut avoir des conséquences catastrophiques dans un délai assez court. Nous appelons l’ensemble des citoyens navarrais, toutes les institutions, acteurs sociaux, syndicaux et politiques, à se joindre aux voix qui exigent du Gouvernement de l’Espagne de concevoir et de mettre en place de toute urgence un plan de mesures de politique pénitentiaire qui respecte les recommandations effectuées par l’OMS et le CPT du Conseil de l’Europe. La législation pénitentiaire en vigueur en Espagne dispose d’outils, tels ceux qui sont prévus dans les articles 86.4 et 100.2 du Règlement Pénitentiaire, qui permettent d’établir un plan de libérations contrôlées qui déchargerait les prisons et qui y préviendrait les conséquences de la propagation de la pandémie.

De même, nous sollicitons la garantie des communications des personnes prisonnières avec leurs familles et amis par la mise en place de systèmes de vidéoconférence, et cela gratuitement. Nous demandons également le rétablissement des visites avec les personnes prisonnières. Pour cela, il faudra autoriser les déplacements vers d’autres prisons ou procéder aux transferts vers des prisons proches de leur lieu d’origine des personnes prisonnières navarraises ou ayant des liens en Navarre qui le souhaitent et qui sont actuellement incarcérées dans d’autres prisons. De fait, le Parlement navarrais a déjà approuvé majoritairement des résolutions en faveur de la fin de l’éloignement.

Nous demandons également le rétablissement des activités au sein des prisons, tout en garantissant la santé de tous. C’est une question de volonté politique, et nous vivons un moment dans lequel la volonté politique doit plus que jamais être service de la santé et de la vie de l’ensemble de la société. Celles des personnes prisonnières aussi.

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